La Silicon Valley s’invite en salle de radiologie

La Silicon Valley s’invite en salle de radiologie

Au fait comment une intelligence artificielle apprend-t-elle à détecter un cancer du sein par exemple ? Eh bien c’est très simple, on lui donne accès à une base de données de radiographies et l’algorithme est entraîné à repérer les différents types de pathologies possibles. Une fois la radio effectuée, l’algorithme compare avec les images qu’il connaît, statue et donne un diagnostic. Le travail d’interprétation n’est plus laissé au radiologue. C’est peu dire qu’avec une capacité de traiter un volume d’images de 30 millions mammographies, le deep learning rend la détection très fiable et précise. Aujourd’hui donc, conscients du potentiel technologique mais aussi de la manne financière que cela peut représenter, les géants de la tech tels que Google, Microsoft et IBM, mais aussi une centaine de start-ups spécialistes de l’intelligence artificielle souhaitent faire entrer le deep learning dans le monde hospitalier ou dans les cliniques. Interrogé dans The New Yorker, sur les conséquences, que cette arrivée du deep learning aura sur les effectifs professionnels, Geoffrey Hinton, chercheur à l’université de Toronto et considéré père du deep learning, ne mâche pas ses mots : “Dans cinq ans, c’est évident, les radiologues seront dépassés par le deep learning […] J’ai dit ça dans un hôpital, ça ne s’est pas très bien passé”.

Mais que fait le médecin ?

Même si le constat de Hinton est sévère, ce dernier évoque une évolution nécessaire de la profession : alors que l’intelligence artificielle détectera les pathologies de manière efficace, les radiologues et autres médecins, spécialistes du diagnostic, pourront se concentrer sur un travail plus qualitatif et cognitif. À l’heure actuelle, les intelligences artificielles les plus évoluées en la matière (Deepmind de Google et Watson Health d’IBM) sont aussi entraînées à prendre en compte le langage naturel. L’objectif ? Pouvoir catégoriser et analyser les dossiers des patients mais aussi pouvoir reconnaître les termes utilisés dans les encyclopédies de médecine. Ce qui, couplé avec l’imagerie des radios, offre une complémentarité à l’intelligence artificielle qui aura une connaissance plus globale de la pathologie chez un patient. Concrètement, cela veut aussi dire que la bureaucratie des hôpitaux risque aussi d’être profondément bouleversée : Une aubaine pour les médecins qui se plaignent de perdre du temps avec trop de travail administratif dans les hôpitaux.

Les défis à venir

Pour autant, il semblerait que cette nouvelle donne technologique laisse dans le flou le principal intéressé : le patient. Si ce dernier peut se réjouir d’être mieux diagnostiqué et donc potentiellement mieux pris en charge, sait-il où les données le concernant iront ? Rien n’est moins sûr. Fin 2016, des journalistes ont découvert que la sécurité sociale Britannique (NHS) avait partagé 1,6 millions de dossiers médicaux pour entraîner Deepmind, l’intelligence artificielle de Google, et ce dans le dos des patients. À mesure que ces données médicales indexeront différentes sources (imagerie médicale, diagnostic, historique des maladies du patient, notes des médecins, etc.), quelles sont les garanties de respect de la vie privée apportées à celles et ceux qui doivent être soignés ? La question reste entière et devra être tranchée sans attendre dans l’intérêt du patient.

Enfin, si l’intelligence artificielle se fera sans doute une place de choix dans les hôpitaux et cliniques pour simplifier les diagnostics, il reste à résoudre une inconnue : est-ce que les médecins utiliseront ces technologies ? C’est là sans doute un des défis majeurs des prochaines années : travailler à l’acculturation des différents spécialistes afin qu’ils incorporent l’intelligence artificielle dans leurs processus de travail. Alors qu’en janvier dernier, l’organisme américain de santé publique (Food and Drug Administration) a donné son blanc seing pour l’exploitation commerciale des premières machines deep learning, à destination des cardiologues, il faut permettre à ces médecins de se familiariser au plus vite avec ces technologies — sans quoi ils se feront dépasser.

Sébastien Lodour
Sébastien Lodour Éditeur Principal Et Auteur Chez de YellowVision

Basé à Paris, je décrypte les dernières tendances et signaux faibles dans le domaine des technologies en particulier de l'IA, du transport, de la santé et de l'éducation.

Philothée Gamard
Philothée Gamard Éditeur en Chef chez de YellowVision

Journaliste, chercheuse et consultante. Depuis Paris, j'écris sur les enjeux sociétaux des technologies et questionne le futur que nous sommes en train de construire.